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Bilans économiques, énergétiques, écologiques

Surface à dédier pour la culture du bioéthanol

La question clé est maintenant de savoir combien d’hectares de cultures il faudrait pour arriver à produire les 50 Mtep/an qui sont nécessaires annuellement d’après l’ADEME et M.Jancovici (spécialiste en questions environnementales) au transport en France. Le tableau ci-dessous présente les calculs d’équivalence qui ont été faits à la fois pour l’éthanol (essence) et pour les biocarburants à base d’huile (qui sont destinés à être incorporés dans les carburants diesel).

Culture initiale

Energie brute produite (teqP/ha)

Energie nette Produite (teqP/ha)

Nombre minimum de km2 pour produire 50MTep

En % du territoire français

En % des terres cultivées (1997)

Huile

Colza

1,37

0.87

574 000

104%

365 %

Tournesol

1,06

0.77

648 000

118 %

413 %

Ethanol

Betterave

3,98

0.76

660000

120 %

420 %

Blé

1,76

0.04

14 800 000

2700 %

9400 %

Source ADEME / Jancovici 2003

Les surfaces arables disponibles en France sont de 18.3 Mha et les surfaces en jachère en 2004 étaient de 4% soit 1.2Mha. Il parait donc tout à fait possible de réaliser en jachère les cultures pour le bioéthanol. Mais il faut tenir compte des cultures dédiées au biodiesel : l'INRA prévoit en effet des surfaces nécessaires de 1.8Mha pour 2010. Puisque seul 1.2 millions d’hectares sont actuellement disponibles en jachère, deux possibilités se présentent :

  • Privilégier l’agriculture à des fins de biocarburant plutôt qu’à des fins alimentaires, ce qui n’est pas sans poser de problèmes
  • Importer du bioéthanol depuis d’autres pays, comme le Brésil, qui profite de ses immenses plantations de canne à sucre et de la main d’œuvre économique pour produire du bioéthanol très compétitif.
Ce que les agriculteurs peuvent y gagner :


Prix de vente en tant que matière destinée aux biocarburants

Rendements moyen

Accroissement du revenu agricole, culture sur jachère

Accroissement du revenu agricole, culture hors jachère

€/t

t/ha

€/ha

€/ha

Blé

88

8.2

302

45

Betterave

20

79.5

606

149

Source : INRA, Décembre 2005, impact des cultures énergétiques sur les revenus agricoles

Les couts de production :


Le tableau ci-dessous récapitule les différentes valeurs pour l'essence et l'éthanol en août 2005.

Prix HTT essence et coût de production des biocarburants

€ / litre

€ / litre équivalent essence

Défiscalisation France en € / litre

Essence Europe Brut à 25$/bl

Essence Europe brut à 60$/bl

Ethanol Europe

0.2

0.4 / 0.45

0.5

0.2

0.4 / 0.45

0.75

0.37

Ethanol Brésil

Ethanol Etats Unis

0.2

0.3

0.3

0.4

Source : CIVEPE, Janvier 2006 - prix et coût des différents carburants en août 2005

La compétitivité du bioéthanol vis-à-vis de l'essence dépend clairement du prix du baril de pétrole brut. Pour l'INRA, le bioéthanol devient compétitif lorsque le baril de brut atteint 75 à 80$ alors que pour l'IFP, il faudrait que le baril atteigne 90$.

Il apparaît donc clairement que sans aides de l'Etat, le bioéthanol ne peut pas être mis en place.

Coût et bénéfices du bioéthanol pour la France

L'estimation des impacts du programme bioéthanol est délicate, car peu d'études ont été réalisées, contrairement à la filière biodiesel.

L'étude du cabinet PricewaterhouseCoopers annonce des créations d'emplois égales à 6.3 emplois pour 1000 T d'éthanol dont la moitié dans le domaine agricole. Ce qui amènerait à 5500 le nombre d'emplois créés en 2008, où 871 000 T d'éthanol devraient être produites.

Auparavant une étude de la Direction de la Prévision du ministère des Finances (juillet 2000, rapport Levy-Couveinhes) contestait le bilan des créations d'emplois résultant de mesures sectorielles.

Enfin, le rapport d'information sur les biocarburants du 26/05/04 de l'Assemblée Nationale déposé par la commission de finances, de l'économie générale et du plan [4] se basait sur la création de seulement 500 emplois pour la filière bioéthanol dans le cadre d'une production de 1 Mhl soit les quantités prévues pour 2010.

En terme de coût, il est également très difficile de valider un coût global de l'utilisation du bioéthanol. Néanmoins le rapport d'information sur les biocarburants du 26/05/04 de l'Assemblée Nationale [4] estime que h ors TIPP, la production d'un hectolitre d'ETBE de betteraves engendrerait 4,8€ de recettes fiscales et celle d'un hectolitre d'éthanol 5,5€, à rapprocher de 0,9€ par hectolitre d'essence. Après la loi de finances pour 2004, la consommation d'un hectolitre d'ETBE rapporte 40,5€ de TIPP, celle d'un hectolitre d'éthanol incorporé directement 21,92€ et celle d'un hectolitre d'essence 58,92 euros. Finalement, en terme de finances publiques, l'utilisation d'un hectolitre d'ETBE "coûte" 13,62€ et celle d'un hectolitre d'éthanol incorporé directement 31,5€, tandis que l'utilisation d'un litre d'essence rapporte 59,82€.

Bilan écologique

L’argument écologique principal en faveur du bioéthanol tient à ses effets bénéfiques supposés sur les gaz à effet de serre (notamment CO 2), responsables du réchauffement de la planète. La France s’est particulièrement engagée à réduire pour 2050 par quatre ses émissions de CO 2 bien au-delà des objectifs de Kyoto. L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et le Ministère de l’industrie ont produit en décembre 2002 avec l’appui de PriceWaterhouseCoopers, et de l’IFP (Institut Français du Pétrole) une étude sur les bilans du bioéthanol. Cette étude, citée largement dans les communications pro bioéthanol, présentait le tableau suivant :

Indicateur de gaz à effet de serre, du puits à la roue G eq. CO 2/kg

Ethanol

Essence

ETBE

MTBE

912

3 653

2 526

3 131

Source : Etude ADEME/Ministère de l’industrie 2002

Il est intéressant de remarquer la réaction immédiate de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) qui écrit, en soulignant que cette étude a été réalisée par un expert indépendant (mais les chiffres proviennent de l’IFP…) :

«Chaque litre d’essence remplacé par 1 litre de bioéthanol permet de réduire de 75% les émissions de gaz à effet de serre : le CO 2 rejeté lors de la combustion est le même que celui que la plante a prélevé durant sa croissance. 1 hectare de betterave bioéthanol supprime les émissions annuelles de CO 2 de 10 voitures. En 2006, en produisant 20 000 hectares de betterave bioéthanol, on éliminera donc les émissions de 200 000 voitures !». L’argument principal mis en avant est le suivant : puisque le bioéthanol est issu de l’agriculture, la photosynthèse qui en est à l’origine contrebalance l’émission de gaz à la combustion. 

L’étude de l’ADEME, présente un bilan « du puit à la roue », ce qui sous entend un bilan global, qui tient compte des consommations intermédiaires (tracteurs, transport, distillation…). Néanmoins, quand on consulte les annexes de l’étude qui présentent les modes de calculs, on peut être troublé par certains raccourcis qui semblent pris pour l’élaboration des résultats.

Pour la plupart des organisations écologistes, une donnée manquante extrêmement importante est la prise en compte de la modification du terrain sur lequel sont cultivés les constituants du bioéthanol. En effet, d’après le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat), l’absorption en carbone des différents types de sols présente des variations très significatives :

Contenus approximatifs en tonnes de carbone par hectare de divers types d'écosystèmes.

Source : GIEC, 2001

Dans ce graphique, on remarque qu’un sol de prairie stocke 3 fois plus de carbone qu'un sol cultivé, donc en mettant en culture une prairie on conduit à des émissions de CO 2 supplémentaires. Or, comme l’étude de bilan énergétique le montre, dans l’état actuel des choses, il faudrait supprimer en France de nombreuses prairies et forêts pour produire une quantité significative de bioéthanol. Certains groupes alarmistes, envisagent même des répercussions à un niveau mondial [13]. Le bilan serait en effet pire encore si des forêts tropicales ou des zones humides amenaient certains pays à des déforestations massives. Le Brésil s’est largement engagé dans cette voie, et les écologistes redoutent que l’augmentation de la demande mondiale en bioéthanol accentue ce phénomène par un export du Brésil vers les pays plus industrialisés. D’où l’appellation «  d’arme de destruction massive » (de forêt) que les plus farouches opposants utilisent [23]

Autre point d’inquiétude pour les écologistes, les conditions de culture en mode intensif des terres actuellement en jachère pourraient nécessiter l’utilisation d’OGM, une surconsommation d’eau et des engrais en grande quantité, ce qui aurait bien sûr un effet très négatif sur la qualité des sols et des eaux et porte des risques sur la biodiversité. Et ces engrais, source de N 2O, sont aussi des gaz à effet de serre…